LA
BOMBARDE
Illustration
sonore du Bagad Landerneau
Généralités.
Le mot « bombarde » provient du latin bombus, signifiant « bruit sourd », ce qui peut laisser penser que les Romains avaient de gros problèmes d’audition ! On ne trouve apparemment pas d’autre appellation pour cet instrument, en Bretagne du moins.
La
bombarde fait partie de la famille des instruments à
anche
double (comme le hautbois)
qui sont
les principaux instruments utilisés au XVI
siècle.
C'est cette anche qui donne naissance aux vibrations de la colonne
d'air contenue dans le tuyau.
De nos jours, en Europe
occidentale, la bombarde est utilisée essentiellement
en
Bretagne (bombard), mais elle a de nombreux cousins en Espagne (la
dolçaina), en Europe de l'Est, en Orient et en Afrique du
Nord.
A l'origine c'était un instrument diatonique (qui ne possède chaque note que sous une seule forme par opposition aux instruments chromatiques qui peuvent produire une même note sous forme naturelle ou avec dièse et bémol). Il en existait des modèles basés plutôt sur la gamme majeure et d'autres plutôt sur la gamme mineure (avec une prépondérance pour ces derniers dans la région vannetaise) mais à l'heure actuelle la tendance est de fabriquer des instruments plus complets pouvant répondre à des exigences plus complexes. La deuxième octave n'est apparue qu'en 1830. Actuellement la bombarde est toujours diatonique, toutefois le chromatisme peut exister sur des airs lents par le jeux sur l'anche, les fourches (doigté particulièrement difficile et périlleux) ou les clés. En Bretagne ,l'influence des caractères et tempéraments divers a amené de nombreuses variantes dans l'instrument. Ainsi en basse Cornouaille, on a eu des petites bombardes en ut, qui s'adaptaient très bien au jeu brillant des sonneurs et à la vigueur des danses. Au contraire en Vannetais, la bombarde, plus grave (en la) faisait évoluer des gens beaucoup plus calmes et plus nobles aussi.
La bombarde n'est quasiment jamais employée seule car elle demande un effort physique nécessitant des temps de repos. Elle est accompagnée de diverses manières, soit par des Binioù Kozh (vieux biniou, petite cornemuse), soit par des binioù bras (grand binioù) ou d'autres bombardes. Les formules les plus récentes sont: En couple (binioù bombarde), intégrées dans des groupes d'instruments variés et la musique religieuse, accompagnée par l'orgue. Aucune formule n'est impossible : le seul "problème" de la bombarde est sa puissance qu'il faut harmoniser à celle des autres instruments. Comme dirait un ami qui joue du dulcimer, la bombarde est appréciée par les guitaristes électriques qui ont souvent un ego assez développé et qui aiment bien accaparer tout l'espace sonore....
Plus sérieusement, sa vocation première est d'être un instrument à danser. Quand on voit des peintures anciennes montrant une foule nombreuse dansant en plein air au son de la bombarde et du biniou, on comprend que l'on ait cherché à en faire des instruments puissants. Le joueur de bombarde est appelé “Talabarder” du mot en langue bretonne: Talabard (bombarde).
Les différents modèles de Bombardes.
De gauche à droite, bombardes en Sib, Sol, Ré, Mib
La bombarde la plus répandue actuellement est celle en Si Bémol, car elle s'accorde avec la cornemuse écossaise, employée par les bagadou. Les couples “Binioù Kozh-Bombarde” sont souvent en Do, La ou Sol. Actuellement les luthiers fabriquent des bombardes de différentes tonalités, pratiquement sur mesure.
Pourquoi
utilise t'on actuellement des bombardes en sol pour jouer du
Vannetais?
Dans l'ancien temps le La3 avait une fréquence
de 415 Hz (sonorité se rapprochant des voix de chanteurs) et
depuis les années 50, il est passé à
440Hz. La
bombarde en sol se rapproche donc le plus des anciennes
sonorisées.
De plus, elle permet de jouer avec des instruments comme
l'accordéon
diatonique (sol, do).
Bombardes fabriquées par Paul Larivain
La bombarde fait partie des instruments à anches. Cette anche est une anche double, c'est à dire qu'elle est composée de deux lamelles de roseau fixées sur un tube de laiton. Ces deux lamelles vibrent sous l'influence de l'air émis par le souffle. Comme l'élève peut le constater par lui même, en soufflant sans serrer ni trop pincer l'anche avec ses lèvres, le son obtenu est très particulier. Lorsque nous plaçons l'anche sur la bombarde, dans le logement prévu à cet effet, ce sifflement prolongé et amplifié dans le corps de l'instrument procure ce timbre si chaud et particulier à la bombarde.
Histoire de la bombarde
On trouve des traces anciennes de la bombarde partout en Europe et au Moyen Orient. La bombarde dérive de la Chalémie médiévale. Les chalémies formaient la famille la plus répandue des instruments élevés à anche double tandis que les bombardes complétaient cette famille dans le grave. Tinctoris, dans son “De inventione et usu musicae”, rédigé entre 1480 et 1487 établit cette distinction. Cependant la distinction entre ces deux instruments remonte au moins à 1413, date à laquelle le Brugeois Pierre de Prost fabriquait déjà ces deux instruments. La bombarde était déjà pourvue de sept trous, le dernier étant muni d'une clé ouverte. A cette époque, la bombarde étant assez longue, on lui appliquait pour la rendre plus maniable un tube en forme de “S” au bout duquel était fixé l'anche double.
Les plus anciennes traces que l'on ait en Bretagne sont des sculptures ou des tableaux religieux datant du XVIè siècle, où la bombarde et le binioù sont montrés comme des instruments diaboliques. Au Moyen Age cet instrument était joué dans toute la France mais n'a subsisté qu'en Bretagne. Même si les hautbois sont présents en Bretagne depuis le XVI ème siècle, sur des sculPtures, le terme "bombart" apparaît pour la première fois dans le "Catholicon Breton" de Jehan Lagadeuc en 1499.
Surtout présente dans le Vannetais et en Cornouaille, la bombarde était un symbole de fête. On pouvait donc l'entendre lors des pardons, mariages et de tous les gros rassemblements.
Joueurs
de bombarde
Lors des mariages, les sonneurs ponctuaient la cérémonie, leurs instruments étaient puissants car il fallait que tous les convives les entendent, or il n'était pas rare de trouver mille invités à une noce. Des noces de deux mille convives ont déjà eu lieu. Ces noces duraient deux à trois jours et les sonneurs devaient tenir la distance. De par leur rôle social, les sonneurs étaient mal vus par le clergé (symbole de fête, réputation de buveurs), c'est pourquoi beaucoup ont été excommuniés. En 1931, Benoïd Gleol interprète une polka piquée à la sortie de l'église de Ploumillau et sera excommunié. Compte tenu des moeurs de l'église de l'époque, assez proches finalement de certains comportements religieux plus actuels, on peut considérer que ce fut une chance et qu'il alla droit au paradis....
Après la première guerre mondiale, l'influence américaine rencontrée sur les champs de bataille et la francisation à outrance exercée par l'école détruisent la culture musicale traditionnelle. Il ne reste plus à cette époque qu'une centaine de sonneurs.
C'est à cette période que naissent des mouvements de notables régionalistes qui invitent les sonneurs à participer à des concours, à des fêtes comme celles des reines de Cornouaille de Quimper. Pour répondre à la demande, se créent des cercles celtiques accompagnés de fanfares bretonnes empruntées aux pipes bands écossais que l'on appellera Bagad (bombarde, cornemuse, percussion). La K.A.A.B. est alors crée pour fédérer ces groupes. Suivra la B.A.S. fondée par Polig Monjaret et Dorig le Voyer en 1943.
LE BAGAD KEMPER
Jacob, Douget et Dorig le Voyer était les luthiers les plus célèbres et on travaillé à uniformiser les instruments et à les accorder aux cornemuses.
La bombarde s'introduit dans des formations de bal occasionnels entre les 2 guerres, puis dans la musique classique avec Jef Ar Penven, et selon Alan Stivell, dans les formations Son ha Koroll et/ou Evit Koroll à la fin des 50s.
A l'aube de la deuxième guerre, les bagads basés sur un aspect folklorique à l'intention des touristes se portent bien, les couples binioù bombardes sont dévalorisés car symbole d'une société rurale que l'on rejette.
A la sortie de la deuxième guerre, les groupes folkloriques sont décriés du fait de la collaboration des extrémistes sous le gouvernement de Vichy. Un amalgame est fait entre musicien et extrémiste ("Breizh atao"). Les Bagads s'en sortent quand même grâce à l'image de fierté ressortant des joueurs de binioù bras, dressés, propres et ordonnés. Bientôt des centaines de milliers de personnes viendront les applaudir au Festival de Cornouaille. En 1953, à Brest est créé le festival des cornemuses qui deviendra en 1971 le festival interceltique de Lorient. En 1957, le championnat de Bretagne des sonneurs de couples a lieu à Gourin. Des milliers de jeunes sont alors formés par les Bagads, cette formation a sûrement permis de sauver la musique bretonne mais a aussi eu le tort d'apprendre un type de musique académique peu en rapport avec les musiques de couples traditionnelles. Les premiers Festoù-noz (fêtes de nuit) apparaissent en haute Cornouaille au milieu des années 50, puis une seconde fois au début des années 70.
C'est à ce moment là que la bombarde a commencé à se mélanger à des instruments électriques dans des groupes de pop celtiques. Alan Stivell introduit le premier la bombarde dans une fusion musicale moderne dans son single "Brocéliande", puis dans les albums "Reflets" et "Renaissance de la harpe celtique". Ainsi, emmenée par Alan Stivell (penn sonneur du bagad bleï mor) accompagné par le guitariste Dan Ar braz, la bombarde triomphe à Paris, à l'Olympia. Cet âge d'or permettait à une vingtaine de luthiers professionnels d'exercer.
Une nouvelle génération de sonneurs naît. Désireuse de retrouver des anciens airs, elle lance une campagne de collectage et de formation. Cette génération moins médiatisée au cours des années 80 se fait un peu oublier avant de revenir en force au début des années 90 grâce à de jeunes groupes de festoù noz comme Ar re Yaouank mais aussi à Alan Stivell pour le grand public avec le disque "Again". En 1993, Dan Ar Braz propulse la musique celtique sur le devant de la scène avec la troupe de l'Héritage des Celtes. L'enthousiasme du public montre à quel point ces sonorités résonnent encore en nous, en dépit du rouleau compresseur médiatique de la pensée unique et de la musique industrielle.
Depuis les Festoù noz font le plein et les groupes succèdent aux couples tout au long de la nuit pour la plus grande joie des danseurs.
La
fabrication d'une bombarde.
Les
bombardes sont fabriquées par des luthiers, gardiens des
connaissances des anciens. Ces connaissances ont
été
transmises oralement.
Nous avons peu d'information sur les
luthiers avant 1880. Au début du siècle, les
luthiers
étaient souvent des menuisiers ou des tourneurs sur bois.
D'abord réparateurs occasionnels d'instruments, ils
décidaient, par curiosité, de se faire un
instrument et
de fil en aiguilles devenaient luthiers.
La fabrication d'une bombarde commence par la sélection du bois. Un bois dur est nécessaire pour réaliser cet instrument car l'épaisseur du bois est de l'ordre du millimètre par endroit. De plus les variations de température et d'hydrométrie à l'intérieur de l'instrument influé par le souffle des musiciens ne doit pas perturber la tonalité de l'instrument. Tous bois dur peut faire l'affaire mais deux bois sont préférés pour le timbre qu'ils donnent à l'instrument : le buis et l'ebène du Mozambique (melanoximon famille des dalbergia). Ces bois proviennent respectivement de Bretagne et d'Afrique. L'ébène n'apparaissant en Bretagne qu'à la fin du XIXème siècle.
Ensuite, la coupe du bois se fait durant la période hivernale, par lune descendante, car la sève dans les ramure est au plus bas. Le choix du bois se fait d'après les désirs des sonneurs, l'ébène étant préféré par les bagads car l'uniformité des bois permet d'obtenir un groupe d'instruments de tonalités constantes. Le buis est lui préféré par les sonneurs de couples car plus puissant et clinquant. Son inconvénient est qu'il travaille beaucoup. Le bois choisi, il lui faut sécher longtemps et soigneusement pour être sûr que l'instrument ne se déformera pas et ne se désaccordera donc pas au cours des ans.
Deux morceaux sont alors découpés, un parallélépipède ou carlet et un cube. Des marques sont réalisées et on laisse reposer les morceaux pendant plusieurs mois afin de vérifier si ceux-ci ne prennent pas de gauche. Un pré tournage précède la perce à la lunette à suivre. Celle-ci se pratique avec un outil spécifique, fin et très aiguisé, car la perce est des plus importantes, surtout pour faciliter le passage à l'octave, c'est à dire jouer les notes les plus aigües de l'instrument. Les dimensions de l'instrument et de la perce sont propres à chaque luthier.
Puis vient le tournage autorisant toutes les excentricités suivant les désirs des sonneurs. Les trous sont alors percés, à des distances et des diamètres propres à chaque luthier. Une dernière perce et un dernier tournage ont alors lieu pour affiner le travail. Les incrustations sont alors posées (bois, étain, cuivre, os, ivoire, cuir, pierres précieuses, ...). Les clés sont également réalisées suivant les notes désirées par les musiciens et le fait qu'ils soient droitiers ou gauchers. On réalise ensuite le pavillon, au tour, et on l'incruste comme le reste de l'instrument.
On réalise alors un essai pour vérifier la justesse et la facilité de jeux de l'instrument, des corrections peuvent alors avoir lieu en ouvrant certains diamètres par exemple. Lorsque l'instrument est très spécifique, deux instruments sont créés pour ne pas avoir à rectifier l'oeuvre finale car tant qu'il faut percer tout va bien, mais lorsqu'il faut reboucher... Il est bien évident que cela ne vaut que pour la personne qui se déplace chez le luthier, tous les luthiers ne réalisant pas d'instruments sur mesure pour tout le monde, production oblige.
Il ne reste plus qu'à vernir et l'instrument peut être vendu entre 130 euros et ... Le premier prix représente plus un instrument fait à la machine numérique, à la chaîne. Il faut en fait compter sur un prix de 225 à 300 euros pour obtenir un instrument artisanal.
Quelques luthiers bretons:
Georges Bothua |
Gilbert Hervieux
& Olivier Glet |
Hervé
Jezequel |
Paul Larivain |
|
|
Jean Luc Ollivier |
Rudy Ledoyen |
Les
Anches:
A l'origine la plupart des sonneurs fabriquaient leurs propres anches. De nos jours les anches sont réalisées par les facteurs d'anches.
Boite d'anches d'edouard Cuvun dit tonton 'flamm.
Anches de bomardes en Mib, Sib, Ut, Ré
Anches fabriqés par Daniel Le Noan
Les
anches sont essentiellement confectionnées en roseau
ou
canne (nom de cette variété de roseau
de Provence).
Ce matériaux est idéal car
hétérogène,
dur à l'extérieur et mou à
l'intérieur,
il entre facilement en vibration.
Les cannes utilisées sont
d'élevage car plus résistante. Le roseau de cette
région est réputé grâce
à la
composition
du sol, le mistral pour la vigueur et soleil. De plus une vrai
tradition d'élevage existe.
variété utilisée
: arundo donax du mot celtic aru = eau donax en grec signifie roseau.
Les roseaux sont reçu par sacs de 20kg coupés et
calibrés (diam. 25) mais seul 7 à 8 kg sont
utilisables. Ils sont alors fléchés (le canon est
fendu
avec
une "flèche"). On les gouge ensuite pour enlever
manuellement ou mécaniquement la matière tendre
intérieure. Elle est ensuite coupée en largeur,
pré biseautée et grattée.
Les lamelles sont
alors repliées et assemblées sur un tube de
laiton. Une
fois fixées sur le tube il ne reste qu'à les
affiner,
d'abord en vérifiant les cotations puis à
l'oreille. Un
souffle court suffit au facteur pour déterminer le travail
qu'il reste à réaliser.
Ces
anches sont essentielles au bon fonctionnement de la bombarde, en
effet elles sont partie intégrante du jeux du sonneur,
certains préfèrent les anches douces d'autre les
dures.
De plus une anche en ut peut être mis sur une bombarde en
sib, la sonorité et les qualités s'en trouve
transformées. Toute les combinaisons sont possibles
à
condition de réussir à accorder les autres
instruments.
Un sonneur utilise en moyenne 3 anches par ans.
Le jeu de la bombarde.
Très physique, la bombarde ne se joue qu'accompagnée. Traditionnellement on l'a trouve avec le binioù coz, cette formule existe depuis le XVIII siècle suite à la montée à l'octave du levriade de la cornemuse bretonne (l'écart ainsi créé à permis le maintient du couple d'instrument cornemuse-chalemie qui a disparu sauf en Italie où le couple Piffero/Zampogna représente la formule inverse cornemuse grave et "bombarde aigüe"). Cet instrument demande du souffle et une musculature faciale importante pour contrôler la pince de l'anche. On joue dans tous les modes sauf les mode de fa (inaudible), la sensible n'existe pas en musique bretonne.
Crédits.
Afin de créer cette page web, j'ai honteusement copié du texte et certaines photos de l'excellente page web: http://bombarde.free.fr que je vous invite à visiter. J'espère que son propriétaire ne m'en voudra pas car je l'ai complétée par d'autres documents trouvés sur le web et d'autres informations issues des ouvrages suivants:
Méthode de Bombarde de Patrig SICARD (éditions Alain PENNEC),
Les instruments de musique dans l'art et l'histoire de R.Bragard, Dr Ferd et J De Hen édité chez VANDER SA (belgique).
Merci également à Alan Stivell pour sa contribution à l'amélioration de cette page et du site en général.
Pour ceux qui souhaitent réutiliser ces informations, la page est disponible au format Pdf d'Acrobat Reader: